J’ai vu l’honnêteté mourir d’un trop plein de vertu

48. L’homme agressé et blessé crie au-delà de la raison, il s’emporte, dépasse les bornes, sa juste colère sort de son lit, il dit des mots ineffaçables, durs, peu à peu de plus en plus cette victime devient de moins en moins défendable. On le voit s’enliser. Tomber dans le piège que lui a tendu son subtil offenseur. Comme il ne s’arrête pas de se révolter contre l’injustice qu’on lui a faite, comme le monde est sourd à ses appels puisque les témoins ont peur de sa violence et ne la comprennent pas qui n’ont pas souffert, il s’enfonce encore plus, oublie le chemin retour, brûle ses derniers souffles ; les rôles s’inversent, la bête traquée s’étrangle elle-même avec le fil qu’on lui avait accroché à la queue. J’ai vu comme ça des hommes qu’on terrasse avec leur propre force. Des hommes morts dans l’arène, entrés dans un silence respectueux qui reflète la compassion, et achevés sous les hourras rageurs de la foule, qui n’ont pas su se défendre des piques, qui dans la douleur n’ont pas su ruser, cornes en avant vers la mise à mort. J’ai vu l’honnêteté mourir d’un trop plein de vertu. J’ai vu la liesse à l’enterrement de l’honneur, les accolades que l’on donne à la bassesse, les clins d’œil complices, les bravos qui suivent certaines trahisons. Mais je n’ai pas totalement appris à m’en prévenir.

Bande originale de la bulle : Feist, “A commotion”

Une de mes deux femmes, avec PJ Harvey, mais il faudra que je l’en informe un jour…

Photo d’entête :