Petite épitre à la patrie des pitres

Ô chers amis,
saltimbanques de la nuit,
peuple de l’excès,
irraisonnables sans soucis,
bande de jouvenceaux !

Dans ma dernière missive je vous laissais avec un « Modération, un qui la tient » et trois points de suspension qui devaient laisser libre place à votre imagination. Vous me répondez, croyant me rassurer, que l’automne emporte l’aventure et que l’hiver nous laissera sagement reclus dans les limites de la raison.

Non !

C’était un appel à la rime graveleuse où Thérèse ne rime pas avec « l’autre qui l’apaise »[note]Ni « qui la pèse », d’ailleurs, ça ne se fait pas et on voit bien qu’elle boudine déjà dans son 44, de toute façon, la gourmande.[/note]. Bref, je vous souhaitais de faire bonne chère et de soumettre Modération à tous les se(r)vices sexuels que vous pouviez lui infliger/rendre, à moins que, romantiques, vous ne préfériez vous contenter de « l’embrasser avec passion ».

C’est donc sous les auspices de Bacchus[note]Notez tout de même que vous avez échappé  à quelques allitérations (encore plus) lourdingues sur Bacchus, beaucoup, beau cul, bon coup, etc. grivoiseries suggérées, paradoxalement, par un des meilleurs moments de l’Eternelle randonnée de Rufin, que je viens de terminer d’écouter, où celui-ci, voyant des serveuses se faire pincer les fesses dans un bar espagnol aux mœurs licencieuses, le pèlerin jacquet redevient le génial écrivain qui m’avait tant plus avec Rouge Brésil, et se sert de l’épisode pour décrire le combat séculaire entre les rites païens et la Chrétienté.[/note], de la ripaille et des folles boissons que je plaçais votre saison, en profitant un brin dans la bringue, avant de terminer à l’hospice puis dans la dernière bière que nous ne pourrons jamais ni voir ni boire, car morts et déjà festins de vers.[note]« Mignonne, allons voir si la rose »… spéciale dédicace à Ronsard, qui nous a donné un modèle de mauvaise foi, nous permettant de titiller les farouches jusqu’à les faire chuter ![/note]

En ces jours d’automne où, celles-ci étant fanées, ce sont les arbres qui se font fleurs pour le dernier baroud d’honneur de l’été, avant de finir nus et à moitié au sol, le froid nous obligeant à nous terrer au chaud et à chercher les dernières fleurs de la vie vers les lits ouverts de celles qui ont perdu la-leur depuis belle lurette, ô couches couleurs de chlorophylle filoute ou lits verts de l’espoir dans le grand soir de l’hiver.

Allez, c’est assez de poésie pour la journée, allons courir, délaisser les gros rires qui tachent pour aller brûler le gras déposé par la bière, faute de quoi il faudra aller acheter ses vêtements dans le même magasin que Thérèse, et tout ceci avant que la nuit ne nous tombe dessus une heure plus tôt [note]C’était, lecteur anonyme sur Internet, que j’espère aussi sagace que salace, un soir de changement d’heure.[/note]. Allons courir, demain nous mourrons.

Photo d’en-tête : “Cirque Bouffon, 3 clowns and table tennis ball” par David de Mallorca.

Notes